Monsieur G.

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Cela n’est pas très professionnel, mais cela n’est pas très grave.
Soyons honnêtes, je ne suis pas la seule à avoir des préférés, des chouchous, des patients auxquels nous tenons plus qu’à d’autres. Des patients pour lesquels nous sommes plus attentifs, plus disponibles, plus souriants. Cela ne veut pas dire que nous négligeons les autres, bien au contraire cela veut simplement dire qu’avec eux nous sommes un peu moins dans la neutralité bienveillante et un peu plus dans l’affect. Monsieur G, fait partie de cette bulle. Il est comme les grands-pères des films, pas très grand, un gros bidon et une coquinerie dans l’œil. Il porte des chemises épaisses à carreaux, une paire de bretelles et trimbale toujours dans son sac son chausse pied. Il me tutoie et ça m’est égal. Il m’appelle fille et ça ne me gêne pas. Il y a entre nous beaucoup de respect, sans superflu. Il fait partie de ses vieux chênes à l’esprit intact, à l’écorce épaisse qui n’attend plus rien de spécial si ce n’est d’être appelé. Alors que je m’apprêtais à mesurer son tour de taille en l’encerclant de mon ruban il me dit « ah le moment que je préfère! ». Et là, sans que je ne comprenne il me serra fort contre lui. Ma joue se posa sur son épaule et l’espace de quelques secondes je ressentis une extrême sérénité.
Et si au final nos chouchous étaient en quelque sorte nos moteurs. Si au final ils rechargeaient nos batteries afin que nous puissions mieux prendre en charge les autres…