Celui qui la subit

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Il est enfin là, assis en face de moi.
Ce gros bonhomme, cette montagne de chair qui semble inébranlable.
Je n’y croyais plus, après deux ans il est parvenu à franchir la porte.
Il lui a fait croire que c’était pour lui, pour ne pas la blesser.
Que c’était lui le malade, qu’il devait être soigné
Je les regarde, assis dans la salle d’attente,
Elle est simple, une barrette dans les cheveux, une perle fine autour du cou,
Elle a l’air sereine, elle est belle.
Lui est essoufflé, apeuré, sur le fil
Évidement les tests ne sont pas bons et il le sait
Lorsque nous nous retrouvons seul à seul, le torrent se déverse sur la montagne
Il parle de mariage à 17 ans, d’enfants, de pâtisserie et d’amour, beaucoup d’amour
Je l’écoute, je souris avec le plus de force et d’affection possible
Intérieurement je pleure autant que lui
Je comprends enfin que je n’avais rien compris
Que ce n’était pas elle le problème
Pas elle qui refusait de venir consulter
C’était lui.
En acceptant de venir, c’était accepter d’avoir perdu
D’avoir tout espéré, tout tenté et au final d’avoir rendu les armes
Qu’on le veuille ou non, dans ces pathologies dégénératives,
au final le plus malade des deux,

Ce n’est pas celui qui la porte, mais c’est celui qui la subit …